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Subject: Retour de l'Inspiration et à l'eau.
From: Marc Dufour <lugalle@sympatico+LES+SABOTS+.ca>
Message-ID: <Xns9498D4FDDEF82emdx@207.35.177.135>
NNTP-Posting-Date: Mon, 23 Feb 2004 20:55:09 EST
Organization: Bell Sympatico
Xref: news.free.fr fr.rec.plongee:113546
Après facilement 5 ans de régime
sec, l'inspiration m'est soudainement revenue.
Et pour recommencer en beauté, quoi de mieux que l'essai d'un appareil à
circuit fermé "Inspiration", qui a été offert en fin de semaine passée à la
piscine du stade olympique ???
(Je ne citerai pas de noms, histoire de ne faire ni jaloux ni malheureux, ni
trahir ma mauvaise mémoire)
Donc, je me pointe à l'heure prévue à la piscine du stade, pour être accueilli
par un copain avec qui je m'étais entendu pour y aller.
On tape alors un brin de jasette (ça faisait tout de même quelques années que je
n'avais pas vu mon copain), sans même se préoccuper des appareils à
circuit fermé qui traînent dans le coin, ni de ceux qui sont au fond de la
piscine.
Puis, l'heure arrivée, on se fait inviter à passer au salon, une petite salle de
classe, où on se fait servir une mini-conférence sur les recycleurs en général,
et sur le "Inspiration" en particulier.
Nous serons cinq à l'essayer dans cette fournée-là.
On nous présente l'inspiration: un appareil à circuit fermé comportant une
boucle respiratoire de deux contre-poumons (un pour l'inspiration et l'autre
pour l'expiration) et d'un filtre absorbant à la chaux sodée (Softnolime), le
tout relié par un jeu de boyaux annellés qui font soudainement ressortir un
paquet de rêves d'enfance impitoyablement refoulés au plus profond du
subconscient.
L'appareil comporte deux bouteilles de trois litres, une contenant de l'oxygène
pur et l'autre du diluant. Deux ordinateurs indépendants commandent le tout; la
ppO² est contrôlée par trois cellules galvaniques indépendantes.
Le diluant peut être n'importe-quoi, à condition de pouvoir être respirable à la
surface; c'est que le sous-système de diluant sert également de système à
circuit ouvert d'urgence. Pour cela, il est muni d'un détendeur/gonfleur de
veste tout à fait ordinaire (pour ceux qui sont habitués à un tel gadget,
évidemment).
Une veste de contrôle de flottaison complète l'ensemble, sans oublier
l'obligatoire carénage jaune pour faire joli (et, accessoirement, éviter les
enchevêtrements).
La veste se trouve sur le devant du carénage, et de là partent le ceinturon et
les deux bretelles, sur lesquelles sont placés les contre-poumons, à la manière
d'une veste ordinaire. Mais, ne nous leurrons pas, la veste seule fait fonction
de contrôle de flottaison, et celle-ci se trouve dans le dos.
Les contre-poumons sont disponibles en deux grandeurs, petite et grande.
Il est important de bien ajuster la capacité de la boucle à la capacité
pulmonaire, afin d'éviter le plus possible la résistance à l'expiration,
histoire de ne pas se taper une surdose de CO² ...
Le long des bretelles courent les boyaux d'injection du diluant (à gauche) et
d'oxygène (à gauche), ainsi que les câbles reliés aux deux ordinateurs de
commande.
Les deux ordinateurs sont identiques, et fonctionnent en système maître esclave;
le premier ordinateur qu'on allume devient le maître, et le second l'esclave.
Les ordinateurs s'occupent de la mise en route, c'est à dire qu'ils questionnent
le plongeur sur le déroulement de la mise en service ("avez-vous ouvert le
diluant?", "avez-vous ouvert l'oxygène", etc.), y compris la calibration des
cellules à oxygène.
L'affichage montre la ppO² mesurée par chacune des trois cellules
galvaniques, ce qui est une bonne chose, car la première règle de la plongée
avec un appareil en circuit fermé, c'est "SACHEZ CE QUE VOUS RESPIREZ"!!!
Quel contraste avec l'injonction de calculer combien d'air il vous reste...
Un plongeur muni d'un recycleur vérifiera d'ailleurs sa pression partielle
d'oxygène à toutes les minutes au moins, plus dans les cas où elle serait amenée
à varier, durant les changements de profondeur, par exemple.
Le système peut être réglé sur deux niveaux de ppO²: 0.7 bars et 1.3
bars. On se doutera qu'il n'est pas indiqué de régler l'appareil sur 1.3 bars à
moins de 3 mètres de profondeur, si on ne veut pas voir l'appareil se gonfler
comme la grenouille de la fable!
Les ordinateurs ne font que gérer le gaz respirable. Il ne s'agit pas du tout
d'un ordinateur de plongée qui calculera le temps au fond et les paliers de
décompression. On devra donc se munir d'un engin approprié, ce qui pose un
certain problème en raison de la variance de la ppO²
possible avec le recycleur.
En cas de défaillance des ordinateurs, on peut faire fonctionner manuellement
l'appareil en injectant de l'oxygène ou du diluant. Inutile de dire que ce n'est
pas du tout indiqué sans pouvoir surveiller sa ppO²,
alors on arrive à la deuxième règle qui s'applique à l'"Inspiration": EN CAS DE
DOUTE, PASSEZ SUR LE CIRCUIT OUVERT.
Par contre, rien n'empêche à basse profondeur (ou en surface) de noyer
l'appareil avec de l'oxygène pur, histoire d'accélérer le dézazottage.
Puis restent les détails de fonctionnement, comment injecter du diluant ou de
l'oxygène, puis l'injonction de TOUJOURS REFERMER L'EMBOUT quand on se le sort
du bec, pour éviter les entrées d'eau dans la boucle.
C'est qu'on veut éviter un cocktail caustique... Mais l'appareil est assez bien
protégé contre cette funeste éventualité: l'expiration est dirigée dans un
contre poumon qui peut prendre un volume d'eau appréciable, puis un piège à eau
situé en amont du filtre absorbant.
Finalement, le boîtier du filtre comporte un espace mort situé au bas, ce qui
donne une dernière marge de sécurité.
Donc, on ouvre ou referme l'embout en le faisant pivoter dans l'axe des boyaux
en maintenant ces derniers immobiles. Une valve de purge permet de souffler
l'eau à l'intérieur avant de le rouvrir.
Le système ne comporte, en matière de lest, qu'un petit compartiment pour
environ 2 kilos de plomb, en haut, et de deux petits poids sur les boyaux pour
éviter qu'il remontent contre la tête.
Après tout ces salamalecs, on est finalement invité à passer à la piscine.
On se change, et, miracle, mon "shorty" me fait toujours, grâce à un nuage de
poudre-à-fesses savamment dosé, ce qui attise les quolibets des gens de la
troisième fournée qui commencent à arriver...
On est invité à examiner un filtre absorbant qu'on démonte devant nous, pour
nous montrer la chambre intérieure où se trouve l'absorbant. La chambre
cylindrique mesure environ 20 cm par 20 cm. Un système de ressorts exerce une
pression continue sur l'absorbant pour éviter son tassement, ce qui risquerait
de provoquer des canaux où le CO² pourrait se faufiler. On voit bien
les trois cellules galvaniques placées à la sortie de l'absorbant, ainsi que le
compartiment à piles (deux piles indépendantes, une pour chaque ordinateur). Le
compartiment n'est cependant pas étanche, mais on nous explique que si l'eau se
rend jusque là, on aura d'autres problèmes à se préoccuper que des piles...
Je passe ensuite à la table où se trouve l'appareil dont je suit bientôt
affublé. On m'ajuste les courroies et sangles, puis on allume les ordinateurs.
J'ai de la difficulté à lire l'affichage, mais ce n'est pas grave, car on
m'assure que dans l'eau ça ne paraîtra pas. Je suppose que la fenêtre est en
acrylique (qui a un coefficient de réfraction voisin de l'eau)... En me mettant
l'embout dans le clapoir, et en respirant à fond, on peut voir que la ppO²
varie appréciablement; j'étais loin de me douter que la réaction des cellules
serait si rapide!
La première inspiration est surprenante, presque révulsante: l'air est chaud et
humide; ça donne l'impression d'entrer dans une salle surpeuplée et mal ventilée
(mais pas au point de dire, comme on a déjà dit de l'air du Métro de Paris "on y
respire de l'air qui a été pété trois fois!")... Le contraste est frappant quand
on m'invite à essayer le gonfleur/détendeur d'urgence, où l'air est normalement
sec et froid...
Puis, assuré que tout marche bien, je mets mes palmes et mon masque, puis saute
à l'eau en tenant bien les deux ordinateurs ensemble.
Ouuuh, que ça fait du bien ! 5 ans de régime sec, ça marque ! Et la plongée,
c'est comme le vélo, ça s'oublie pas...
On rejoint le moniteur qui nous explique les "nouveaux" signaux manuels:
"expirez par le nez", "mettez la haute pression d'oxygène", "mettez la basse
pression d'oxygène"...
Ensuite, il s'assure qu'on peut bien passer au détendeur de secours en refermant
bien l'embout, puis on est invité à s'immerger.
Je vide la BC, mais ai peine à descendre; je n'aurais probablement pas du mettre
mon "shorty"... Il me semble que 2 ou 3 kilos de plomb seraient bienvenus... Et
par moyen de descendre en vidant ses poumons. J'essaye d'expirer par le nez pour
vider la boucle, et je parviens à descendre faiblement. Tant pis, je fais un
canard, et d'un coup de palme, j'arrive au palier de 5 mètre (la piscine
comporte 3 paliers à 5 m de distance). Ouille, c'est vrai, il faut équilibrer
les oreilles; en 5 ans, j'avais oublié qu'il fallait le faire si souvent...
Au fond, le moniteur nous fait faire quelques exercices; moi, je surveille
l'affichage de ma ppO²; c'est fou comme ça fluctue, dans une
fourchette de ±5% autour de .80-.85 bars. Mais mon appareil commence à faire
bip-bip; le moniteur annage*, puis regarde les boutons de mes ordinateurs. Après
un moment, il fait signe de faire surface.
Je commence à monter lentement, m'efforçant d'être plus lent que les bulles;
pour ce faire, je ne palme pas, mais inspire généreusement. Rien à faire, je
reste au fond...
Décidément, il faut vraiment réapprendre à plonger!!! Je palme donc lentement,
tout en soufflant par le nez, histoire de compenser l'augmentation de volume de
la boucle.
Je dois souffler trop, car je sens l'injection de diluant... J'imagine qu'après
quelques plongées, on en vient à pouvoir doser convenablement l'expiration à
effectuer...
Arrivé à la surface, je gonfle la BC, puis le moniteur triture mes ordinateurs.
Après une ou deux minutes, il me dit qu'un des boutons colle et est du pour un
tête à tête intime avec du silicone; il les éteind puis les rallume de façon à
ce que mon maître soit devenu l'esclave; ainsi, je n'aurai plus à me servir de
celui-là.
On redescend, sans la moindre bulle.
Au fur et à mesure de la descente, la boucle diminue de volume, et quand le
contre-poumon d'inspiration est vide, la valve injecte du diluant.
En dessous de 5 mètres, on nous invite à passer à la ppO² supérieure, 1.3 bars.
Cela fait, je respire rapidement (mais profondément) pour voir ma pression
partielle monter jusqu'à friser le 1.2 bars. Je ne ressens rien de particulier.
On se promène en palmant, et arrivés par dessus la partie de 15 mètres, c'est
bien tentant d'y aller, mais le moniteur nous demande de rester à 10m de
profondeur. Bizarre. Faut dire qu'il n'est pas habitué à une piscine de 15m de
profondeur...
On bathyfole pour une vingtaine de minutes. Mon copain prend des photos, puis
nous passe son appareil pour qu'on le mitraille à son tour. Puis, on remonte
tranquillement. Juste sous le palier de 5 mètres, on redescend notre pression
partielle. Là, j'arrive presque à bien contrôler ma flottabilité; je parviens
pratiquement à m'asseoir sur le rebord du palier...
J'ai trouvé le truc pour bien contrôler la flottabilité: il suffit de cesser
d'inspirer quand on entend l'arrivée de diluant (évidemment, on se garde de le
faire si nos poumons ne sont pas au moins à moitié pleins).
Puis je vais faire le test crucial: je remonte lentement en palmant, tout en
prenant bien soin d'expirer juste assez pour ne pas faire le missile Paul
Harris?. Je m'arrête la tête à environ 50cm de profondeur, dans le bleu, sans
toucher au paroi ni au filin.
Je reste absolument là, sans bouger, peu importe si j'inspire à fond ou expire.
Absolument incroyable! Irréel !!! C'est vraiment un truc idéal pour les paliers
de décompression, d'autant plus qu'on peut augmenter le taux d'oxygène!!!
Arrivé à la surface, je gonfle ma BC, et on ne s'intéresse pas à moi. Je décide
donc de vider la boucle complètement, et de la remplir d'oxygène. C'est à dire
que, quand j'inspire, j'appuie sur le bouton d'injection d'oxygène. En quatre ou
cinq respirations, le tour est joué: l'ordinateur indique 85% d'oxygène!!!
On ne s'intéresse toujours pas à moi, et au bout d'une cinquaine ou sizaine de
minutes, je ressors de l'eau.
On ne s'intéresse toujours pas à moi, et l'idée m'effleure de sortir dehors tout
harnaché; sauf que la neige dehors sera probablement un peu trop pour mon "shorty"...
Je garde l'embout dans la bouche, et respire mon 85% d'oxygène, tout en
déambulant ça et là. On ne s'intéresse toujours pas à moi; quand quelqu'un me
pose une question, pour répondre, je prend une bonne inspiration, ferme
l'embout, répond, puis redonne une bonne giclée d'oxygène...
Mais on ne s'intéresse toujours pas à moi, et finalement, j'enlève le recycleur
et le dépose sur la table, les sangles sur le dessus. Un des gars qui s'en
occupe le prend, le revire avec les sangles en dessous, et me dit qu'il ne me
grondera pas "parce que c'est la première fois", mais "on ne dépose jamais le
recycleur sur le dos, afin d'éviter que de l'eau puisse pénétrer dans le
filtre"...
Puis c'est la séance de nettoyage. On démonte les boyaux, puis on les fait
tremper dans une solution aseptisante. On envoie de cette même solution dans les
contre poumons, et on rince le tout.
La préparation complète prend une trentaine de minutes de travail précis, et
dans des conditions idéales pour ce qui concerne le remplissage du filtre de
chaux sodée, c'est à dire l'absence d'éclaboussures d'eau.
Bref, pas un truc qu'on fait dans un Zodiac ballotté... La cartouche filtrante
est bonne pour trois heures d'usage continu, mais on peut laisser passer un
certain temps entre les plongées - du genre un regarnissage pour une fin de
semaine de 4 plongées de 45 minutes.
C'est au tour de la deuxième fournée à plonger, et comme je vois que mon copain
reste dans l'eau et que personne ne s'offusque qu'il fasse de l'apnée, je remets
mes palmes et retourne dans l'eau. Je n'avais jamais fait d'apnée dans la
piscine du stade, c'est déconcertant de descendre à plus de 10 mètres en
piscine, où on a l'habitude de toujours être près de la surface... Drôle de
contraste: un moment, je plonge avec un appareil perfectionné, puis, juste
après, juste en apnée...
La troisième fournée remontée, on pique un brin de jasette avec les moniteurs, à
qui ont fait un grand soin d'indiquer les bonnes adresses pour prendre une bonne
bière, chose qui, de toute évidence, les intéresse au plus haut point.
Bin voilà. Je pense que ce n'était pas pire comme façon de mettre un terme à 5
ans de régime sec!!!
* On est sous l'eau; je peux tout de même pas dire "accourt"!!!
? Du nom de son inventeur, Gugliemo Amadeo Giovanni Polaris di Venezzia.
L'auteur :
http://emdx.org depuis 1993
Marc Dufour - Village St-Augustin, St-Henri, Montréal, Québec
Point milliaire 3 de la subdivision de Montréal du CN